La réclusion
Sainte Colette a été recluse de 1402 à 1406 dans un reclusage accolé à l'église Saint Etienne
Colette,
mystique et recluse (1402-1406)
Vers l'âge de
dix-huit ans, Colette perdit à la fois son père et sa mère. Dès
lors commença pour elle une période d'incertitude, de perplexité,
d'expériences diverses. A cette époque, il était difficile aux
âmes passionnées d'absolu de trouver leur voie.
Elle "aumôna"
tous ses biens, les distribua aux pauvres et voulut s'engager dans la
vie religieuse. Très humble, « elle
ne se réputa pas digne d'être
en religion, mais pour l'amour de
Notre Seigneur qui, par son excessive humilité se fit notre Sauveur,
elle désirait grandement être serviteresse d'aucune bonne et dévote
religieusei »..
Elle fit des essais
successifs au béguinage de Corbie, chez les Bénédictines et enfin
chez les Clarisses de l'abbaye royale du Moncel. « Mais
Notre Seigneur l'inspira que là elle ne devait point demeurer et
ainsi s'en retournaii ».
Un peu désorientée, elle revint à Corbie et continua de chercher
la Volonté du Seigneur.
Un franciscain,
gardien du couvent de Hesdin, le Père Pinet, lui proposa la solution
du reclusage qui redevenait assez courante en ces temps de crise dans
les ordres religieux. Elle l'accepta avec joie, prit l'habit du
Tiers-Ordre franciscain et le 17 Septembre 1402 eut lieu la cérémonie
solennelle de son entrée en reclusage. Ce fut là son temps de
« désert », de formation sous la seule motion de l'
Esprit-Saint. Car Dieu, tout en les maintenant dans une profonde
obéissance aux représentants de l’Église, se réserve souvent
l'exclusive préparation de ceux qu'Il destine à de grandes œuvres.
Le reclusage qui avait
été préparé à la jeune fille était adossé au mur de l'église
Notre Dame en Saint Etienne. Il comprenait deux petites pièces;
l'une était sa chambre ouvrant par un guichet sur un parloir
vestibule, l'autre un oratoire muni aussi d'un guichet donnant sur
l'église et le Saint Sacrement; elle y passait la plus grande partie
de son temps, se nourrissant de l'intense dévotion eucharistique qui
l'a marquée toute sa vie. « En celui
reclusage, elle demeura quatre ans. Elle y mena une vie sobre et
âpre., en vêtant une haire rude, en ceignant son débile et tendre
corps de cruelles chaînes de fer, reposant sur la terre nue et
mettant sa tête sur un bloc de bois pour oreiller iii».
Elle vivait de la nourriture apportée par ses amies et d'un
modeste travail de couture. « En
certaines heures, après ses oraisons et méditations, volontiers
elle s'occupait des pauvres deffalans qui avaient indigence et
nécessité de conseils et d'aide et labourait moult efficacement,
par exhortations et admonitions salutaires à les mettre hors du
péché et des liens de l'ennemi d'enfer et à les faire venir à la
connaissance de Dieu et à l'aimer parfaitementiv ».
Sa
renommée grandit rapidement et les gens vinrent si nombreux se
confier à elle que, sur sa demande, le père Pinet limita à deux ou
trois heures par jour les temps de visite, afin de préserver sa vie
d'union à Dieu.
Dans
ce reclusage, Dieu la combla de très hautes expériences mystiques.
Elle y vécut une intense vie de prière et de pénitence (jeûnes,
veilles, mortifications de toutes sortes). Le démon lui apparut
plusieurs fois sous les traits de bêtes hideuses et effrayantes,
mais elle fut gratifiée aussi de visions toutes célestes et de
consolations spirituelles très sensibles : apparitions de la Vierge,
de Saint Jean Baptiste.
C'est
là, dans ce reclusage, qu'elle reçut peu à peu la claire
vision de sa mission.
Elle eut notamment « une
merveilleuse et épouvantable vision » en
laquelle elle vit et connu « tous
les estats de l’Église et du bras séculier, des principaux
jusqu'aux moindres... puis lui furent démontrés les défauts et
offenses qui, contre Dieu et à sa grande déplaisance étaient faits
au régime et gouvernement de chacun de ces états, tant les
principaux que les moindres et conséquemment les horribles peines et
tourments dont chacun était puni... Il lui fut démontré que cette
correction se ferait par les ordres réformés que Monsieur Saint
François avait institués... Et notre glorieux Père Saint François,
en la présence de la glorieuse Vierge Marie et des benoits anges du
paradis, présenta à notre très glorieux sauveur Jésus Christ son
ancelle et la Lui requit et demanda humblement, pour la dite
réformation en ses ordres et conséquemment pour la correction des
pauvres défallans qu'elle avait vus en tous états en la dite
vision... laquelle présentation fut à Notre Seigneur plaisante et
agréable et Il condescendit bénignement à la requête de Monsieur
Saint Françoisv ».
Colette
commença par reculer, se trouvant à
la fois trop ignorante et
liée par son voeu de reclusage ;
de plus, elle craignait
d'être trompée par de diaboliques suggestions. Mais de sages
conseillers et divers signes indubitables lui confirmèrent cette
vision. Elle accepta enfin la mission entrevue ,et « incontinent
qu'elle eut consenti à faire la sainte volonté de Dieu Il lui donna
connaissance de toutes les choses qui lui étaient nécessaires pour
ses affaires, desquelles elle en composant un petit rolet et les
écrivit en bref, puis en bref temps lui administra Notre Seigneur
toutes matières de gens qui lui étaient convenables pour l'aider,
la conforter, la conseillervi »
Extrait de Colette de
Corbie par Soeur Marie-Colette de Nice Cimiez, pages 122-124 du tiré
à part du chapitre II du deuxième tome de Regard sur l'histoire des
Clarisses
i
P. de Vaux, p. 15, n° 12.
ii
Sr Perrine, p. 206, n° 7.
iii
P. de Vaux, p. 23, n° 21.
iv
Id. p. 23, n° 22.
v
Id. pp. 28-30, n° 25-30.
vi
Id. p. 32, n° 33.